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Virgine Bois


Marie-Ange Guilleminot


Tunga

 

Expositions > Musées >
Bijoux-Sculptures, L’Art vous va si bien

La Piscine de Roubaix, 2008

Beaucoup d’artistes contemporains s’inscrivent dans une tradition classique de l’objet, soit en réinterprétant plus ou moins fidèlement les formes de la bague, du bracelet, du collier… (tels Absalon ou Brigitte NaHoN), soit en s’amusant avec des parures festives sortant de l’ordinaire (Angelo Filomeno, Tunga, Joana Vasconcelos), dans des matières plus ou moins riches et en nombre limité ou non. Cette exposition s’en veut le témoignage. Laurence Mouillefarine a exposé cet aspect dans le texte précédent. Celui-ci se veut complémentaire. À partir de deux artistes présentes dans cette exposition, Virginie Bois et Marie-Ange Guilleminot, il montre comment on peut approcher d’une autre manière le sujet du bijou.

Afin de présenter un panorama qui soit le plus complet possible en ouvrant de nouvelles perspectives aux visiteurs de l’exposition, nous avons donc souhaité aller “hors frontières” et montrer comment d’autres artistes actuels ont pris à bras-le-corps le sujet en «dématérialisant» le concept de bijou.

Un bijou peut se porter ostensiblement, mais on peut aussi vouloir le cacher. Sa préciosité devient alors un “trésor” que seuls connaissent celui ou celle qui le porte, celui ou celle qui l’a inventé. On rejoint là une idée chère aux dandys des temps anciens qui portaient des baleines en or dans leur col de chemise. Des artistes contemporains ont développé cette conception et créé leurs propres histoires. Un bijou, c’est essentiellement la présence de l’autre sur soi, transmis d’un patrimoine familial ou cadeau d’un être aimant. L’artiste peut décider de nommer bijou un objet et lui donner ce statut. Ainsi, comme le souligne Marie-Ange Guilleminot, on pourrait imaginer de donner ce statut au parfum d’un savon, qui devient ainsi parure-présence éphémère entre deux êtres complices. Virginie Bois l’a conçu avec de la fumée ou de la glace. Nous présentons dans cette exposition une oeuvre qu’elle a réalisée il y a cinq ans pour un mariage. On lui avait commandé un bijou. Elle a alors proposé une feuille d’or qu’on applique sur la peau. Ce bijou ne vit que s’il est porté. Il change jusqu’à disparaître complètement. Seul le temps le vole inéluctablement. C’est une préciosité qu’on ne peut garder, un bijou qu’on oublie aussitôt après avoir choisi où l’appliquer. La feuille agit, impliquant naturellement une attitude de dignité devant ce qui est un symbole, une idée, une histoire. Seul le regard de l’autre révèle sa présence. L’art vous va si bien…

Cette exposition invite des artistes, peintres, sculpteurs, vidéastes… et non des créateurs de bijoux. Virginie Bois est officiellement plasticienne. Elle invente surtout des objets petits créés autour du corps, c’est ce qu’elle appelle être “bijoutière”. Elle tient à se situer à la frontière des définitions. Elle travaille sur ces petits moments de vie. Elle nous offre sa vision du monde en rendant compte de la fragilité, du précieux et du rêve entre les êtres.

Autres histoires de bijoux… Même si elle n’exclut pas le bijou classique, Marie-Ange Guilleminot s’intéresse avant tout au lien entre son travail et l’objet. C’est ce dernier qui décide de lui-même, c’est de lui que naissent les langages des formes à partir desquelles elle peut éventuellement donner le statut de bijou. Pour elle, il est sur ou sous, apparent ou caché. Ainsi le centre de la construction d’un paravent fermé, invisible forme ronde au dessin de labyrinthe, gagnera un double statut en devenant aussi bijou sous une forme plus réduite enfin exposée. La cheville en argent d’un portant de kimono réalisé en verre, ainsi révélée par la transparence, pourra aussi devenir bijou. Chaque élément des objets dont elle se sert pour ses performances est pensé dans une forme jolie d’où il peut renaître de cette manière si elle le décide. C’est une inspiration à retours. Cette question du détail et cette idée de l’échelle par rapport au corps fait partie intégrante d’une oeuvre où tout communique et se répond. Elle aime l’idée de créer un bijou avec la liberté de penser qu’il est porté ailleurs ou autrement. Ainsi un texte devient bijou qui est lui-même l’histoire de l’objet. Borges n’est pas loin. Les qualités du fil d’araignée, dit-elle, sont étudiées par les militaires américains qui ont testé son incroyable résistance.

Marie-Ange Guilleminot imagine donc un hamac pour ces soldats, qui devient, en modèle réduit, une légère broche simplement posée sur sa robe. Sa robe à émotions fut une réponse au collier de perles que lui offrit sa grand-mère. Trop classique et connoté, elle le défila pour en garder la plus grosse perle qu’elle attacha à un fil de sa robe. Lors d’une intervention dans un jardin la perle tomba et se perdit, laissant libre cours à une future histoire d’un prochain bijou.

L’art vous va si bien…

Marc Pottier